S’il est un endroit au monde où je suis à ma place, où je me sens chez moi, c’est là. Dans un petit village au pied du Mont Aigoual. La vallée du bonheur. J’aurais voulu inventer un nom, je n’aurais pas osé. Mais c’est pourtant la réalité. Quand j’arrive là-bas, la forêt m’ouvre ses bras, je respire mieux. C’est l’endroit où je me retrouve, où on se retrouve. Les saisons y sont vraies. Les arbres se couvrent de toutes les nuances de rouge à l’automne. Le manteau blanc de la neige modifie les perspectives et ouate les bruits en hiver. Le vert triomphe au printemps. La vie éclate de toutes les couleurs. L’été, l’odeur du bois chauffé au soleil, la sensation du parquet frais sous mes pieds s’imprime en moi. Quand je suis là-bas, une autre vie est possible, on rêve en plus grand. Quand je serai une vieille dame, je repenserai à ces moments, je ferai résonner le rire de mon fils à l’oreille de mes souvenirs, les ronflements repus de mes bouledogues, le brame du cerf qui fait presque peur… Puis je regarderai vers cette vallée, sa rivière qui serpente, ses herbes qui ne savent pas comment pousser…

Mais comme je ne suis pas encore cette vieille dame, aujourd’hui je me fais des boites mentales d’images : la cime des arbres se découpant dans le ciel quand je suis allongée dans la mouse vert acide, le chapeau d’un cèpe qui soulève la terre, la rencontre furtive avec une salamandre dans sa combinaison noire et jaune…

Et ce soir quand l’homme rentrera à la maison, qu’il posera son regard de travail derrière ses lunettes sur moi, je lui dirai: « Dis, quand est-ce qu’on va au chalet? » Truffe me gratera les jambes parce qu’elle reconnaît le mot, et là, je verrai le regard de l’homme changer et se teinter d’une lueur de forêt… Le balbutiement du bonheur…

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