Mon atelier est dans la maison. À la cave. Tout de suite, ça ne fait pas rêver, mais comme souvent, avec moi, il ne faut pas s’y fier. Les murs y sont épais et l’odeur est proche de celles des vieilles églises. Mais rien de monacal dans mon antre si ce n’est la vierge en plâtre sur laquelle j’ai fait des essais de peinture et qui me regarde, parfois circonspecte , du haut de la cheminée. Pour quiconque y entre c’est un vaste bazar. Avec un peu d’honnêteté, pour moi aussi mais pas seulement… Il y a des heures et des heures de travail, de ratages, d’essais plus ou moins fructueux… Des rêveries entières qui ricochent sur les vieilles pierres. J’aime m’installer dans le vieux fauteuil inconfortable. Je répète les mêmes gestes à chaque descente. Je pose mon téléphone, je branche mes multiprises auxquelles sont reliés mes instruments de tortures d’animaux en plastique. Tandis que l’odeur de colle chaude envahit mes narines, je mets de la musique. Toujours. N’allez pas imaginer que Beethoven accompagne mes créations… Je dois, ici, avouer que Lynda Lemay accompagne très souvent mes séances de branchement, je ne sais pas pourquoi mais l’accent québécois et les envolées lyriques donnent un rythme au raccordement des fils de cuivre… Pour les créations à proprement dit mes choix varient selon le jour et l’humeur. Brel n’est jamais très loin, mais Jo Dassin et Oldelaf viennent très régulièrement voir l’avancée de mon travail. Descendre à l’atelier n’est jamais anodin. Que j’en ai envie ou pas. Il y a des jours où je suis « obligée » parce que j’ai des commandes à honorer. D’autres, où dès le saut du lit, j’ai envie d’y être. Dans ces cas-là, un peu comme en cuisine, j’expérimente… Je ne pense à rien d’autre qu’à mes idées… Je regrette que la peinture ne sèche pas en trois minutes, je scie allègrement des dinosaures, coupe des jambes aux chevaux et fouille dans mes réserves animalières avec des airs de pirate… Les heures défilent sans me toucher, je suis parfois interrompue par le cliquettement des griffes de Truffe dans les escaliers, venant vérifier si je me mets assez de bouledogues dans mes bocaux. Puis les picotements dans les yeux me rappellent à la réalité, et c’est les épaules douloureuses que je remonte à la surface… Je respire l’air frais comme une petite taupe. Et même si je suis de retour chez moi, un petit morceau de mon cœur et de ma tête sont restés avec les effluves de peinture, et la poussière de plastique, encore en suspension…

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